L’envers du décor

On pourrait comparer ça à un film de cinéma. On paye on s’assoie et on savoure. La course c’est un peu pareil, on paye, on entre dans le sas de départ et on en prend plein les jambes (et pleins les yeux lorsqu’il fait beau). On est souvent d’un côté de la barrière sans se demander ce qu’il se passe derrière. J’ai donc décidé de voir un peu les coulisses…

     saut

Tout commence lors du trail des Glaisins Annecy-le-Vieux, un trail assez relevé de 29km pour 1600D+. Il ne fait pas très beau et le terrain s’annonce très gras. Peu importe c’est du trail, si on n’aime pas la boue on reste sur la route, si on n’aime pas la pluie on reste dans son canapé. Le départ est lancé et on se retrouve un petit groupe de 10 coureurs devant, ça part vite et au gré d’une petite descente un bénévole nous aiguille mal, sans doute surpris de voir les coureurs arrivés si tôt, il nous dirige dans un champ sans issue. Nous faisons donc demi-tour et en passant un des coureur lui lance une petite phrase somme toute très courte mais dont l’impact peut être très mauvais. En effet il lui lance «  ah bah super bravo, putaiiiin c’est pas possible ». Nous nous retrouvons dans un single boueux au milieu du peloton, la course est pliée. C’est à ce moment-là que je décide de passé de l’autre côté de la rubalise et d’enfiler la chasuble de bénévole.

 rubalise

 

On court tous à différents niveaux, sur différentes distances, dans différentes régions. Pourtant le point central de ces courses est le bénévole. Sans lui rien ne peut se passer ; pas de ravitos, pas de balisage, pas de sécurité, pas d’encouragements. J’ai trouvé bien, pour une fois, de regarder les autres courir et de leur permettre de passer un bon moment comme moi je le fais lorsque je cours.

Mon club le CABB (club athletic du bassin bellegardien) organisait son 1er trail le 11 avril. Lors de la 1ere réunion des bénévoles j’ai pu me rendre compte de la difficulté rencontré par l’organisateur pour rassembler le nombre de volontaires requis. Des coups de fils par ci par là pour espérer ne pas annuler l’épreuve. Ensuite, j’ai remarqué que la plupart des gens présents ce soir-là ne connaissaient rien au trail ou même à la compétition en général. C’est dans ces moment-là que la petite expérience de coureur peut grandement les aider. J’ai pu apporter ma vision des choses et les orienter en fonction des courses déjà faites. Les bons points de certaines courses et les mauvais des autres, notamment les erreurs d’aiguillages du w-e précédent. Bref, tout est sur pieds pour le jour J et on a bien bossé. Le parcours a été fait 4 fois pendant la semaine pour ne rien louper (c’est un 22km), les commandes pour les ravitos ont été faites au préalable et tout semble fin prêt. On compte simplement sur la météo pour être de notre côté.

 reveil
11 avril : Jour J

C’est dingue comme je suis autant enthousiaste à l’idée de courir, qu’à l’idée d’être bénévole. Il est 7h, on fait un dernier briefing, on rappelle les dernières consignes, les points clefs, on boit un café et déjà les 1ers concurrents arrivent à l’inscription. Ça me donne envie de courir de les voir en tenue, la licence ou le certif médical pour la plupart à la main. Mais non, je serais sage aujourd’hui. Je donne quelques conseils aux potes du club sur certaines parties du parcours que j’ai reconnu la veille avec mon épouse (que j’ai réussi à persuader de courir, elle qui est beaucoup plus à l’aise sur un cheval que sur un sentier). Il est temps pour moi de monter au poste ravito du 15ème kilomètre. On prépare tout, je veux que tout soit nickel comme si moi je devais me ravitailler, ce que je ferais un peu plus tard (j’aime trop le chocolat et le pain d’épices). S’en suit une longue attente, très longue attente. 40 min s’écoulent avant que les 1ers n’arrivent…  ca caille ce matin et mes pieds s’en souviennent. Heureusement ils s’arrêtent, prennent le temps de dire bonjour (le faites-vous sur une course ?) puis repartent… le défilé durera 2 bonnes heures entre les gazelles et les…plus lents. 2h dans le vent, une averse par ci un bout de chocolat par-là, pour que les courageux du samedi matin puisse courir sereinement et oublier les tracas du quotidien.

 bureau

Parce qu’il s’agit de ça pour la plupart. Courir pour se sentir vivant, oublier qu’on est un peu dans le dur financièrement, oublier que le taff est un peu chiant parfois, courir pour partager avec les autres une même passion. N’oubliez pas que si on peut courir sur ces courses c’est grâce à eux, à ces gens qui prennent de leur temps pour nous permettre de nous sentir bien. Il pourrait être avec leurs enfants ou être en train de courir eux aussi. Mais non, ils sont là à nous attendre. J’aurais préféré que cette femme entende «  c’est pas grave merci quand même » ce matin-là au bord de la route des Glaisins.

J’ai vécu une journée enrichissante ce jour-là. Les coureurs sont tous adorables et on voit l’espoir dans leurs yeux quand ils nous aperçoivent  en haut d’une montée qui est leur Everest. Ce regard et ces quelques rires font du bien, et c’est pour ça qu’on s’est levé ce matin-là, laissant femme et enfant.

everest

 

J’invite tous les traileurs à passer de l’autre côté de la barrière. Voir l’envers du décor permet parfois de mieux apprécier le film.

A bientôt, d’un côté de la barrière,

 

jeff

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